À l’entrée est du passage du Nord-Ouest, les eaux biologiquement riches de la baie de Baffin et du détroit de Davis ont soutenu les groupes autochtones pendant des millénaires. Situées entre le Canada et le Groenland, ces eaux relient l’océan Arctique et l’Atlantique et s’étendent sur une superficie de 1,1 million de kilomètres carrés.

Un fort courant qui suit la côte du Groenland et qui redescend le long des rives escarpées de l’île de Baffin achemine les eaux froides et les glaces vers le sud, créant un climat arctique vers le sud aussi loin que la Terre-Neuve-et-Labrador. Dans cet habitat glacé, la vie marine s’épanouit, offrant un habitat idéal pour les narvals, les baleines boréales, les bélugas, les poissons, les oiseaux marins et les coraux d’eau froide.

Histoire d’extraction coloniale

Lieu de domicile des peuples autochtones côtiers pendant des milliers d’années, cette région a vu son premier Européen à l’arrivée d’un Viking norvégien appelé Erik le Rouge en 985 apr. J.-C. Ses descendants ont chassé le morse et le phoque dans la baie de Baffin pour la viande et l’ivoire pendant plus de 400 ans. Après le déclin des établissements vikings, des baleiniers hollandais et anglais sont arrivés dans les années 1700 à la recherche d’huile de baleine; entraînant une ruée vers l’huile de baleine dans les années 1800.

Tandis que les stations baleinières européennes parsemaient le paysage vers le milieu des années 1800, la pêche à grande échelle a seulement commencé bien après la Deuxième Guerre mondiale. C’est à cette époque que les flottes de pêche soviétiques, ainsi que celles de Pologne et d’Allemagne de l’Est, se sont élargies mondialement et ont lancé les premiers chalutiers congélateurs de taille industrielle. Les flottes de pêche étrangères ne recherchaient pas de flétan du Groenland (turbot), le pilier de l’industrie du poisson dans la région de nos jours. Elles recherchaient le grenadier et le sébaste, des pêches qui se sont finalement effondrées dans les années 1970 et qui ne se sont jamais rétablies. Par la suite, la flotte soviétique a commencé la pêche industrielle du flétan du Groenland. En même temps que les pêches du grenadier et du sébaste se sont effondrées, les chasses commerciales à la baleine et au phoque ont baissé. Les pêcheurs de l’Atlantique canadien ont commencé à se concentrer sur la pêche de crevettes dans la baie de Baffin et le détroit de Davis. La pêche de crevettes au chalut s’est répandue et est devenue encore plus importante au début des années 1990 en raison de la dévastation des stocks de morue dans le Canada atlantique.

L’importance des pêches durables

Tandis que les Inuits et leurs prédécesseurs ont exploité les ressources fauniques de cette région pendant des millénaires, ils dépendent de l’omble chevalier, des crustacés et des mammifères marins. La pêche commerciale en eaux libres est relativement nouvelle.

L’élimination des stocks de poissons et de crevettes a des répercussions directes sur l’approvisionnement en nourriture des baleines qui se nourrissent dans la baie de Baffin. Selon l’analyse du contenu de l’estomac des narvals, plus de 50 % de l’alimentation des baleines hivernantes consiste en du flétan du Groenland juvénile.

Le flétan du Groenland du nord-ouest de l’Atlantique est grandement migratoire, mais les eaux relativement peu profondes de la baie de Baffin et du détroit de Davis servent d’alevinière à cette espèce. Le flétan attrapé par les chalutiers dans ces eaux n’est pas mature et ne s’est pas encore reproduit.

De nos jours, les exploitations par chalutage de fond pour les crevettes et le flétan du Groenland dans la baie de Baffin sont les seules pêches industrielles dans l’Arctique canadien et ces pêches sont complexes parce que les habitats, les espèces et les quotas sont répartis entre le Canada et le Groenland. Au Canada, ils sont aussi répartis entre le gouvernement fédéral, le Conseil de gestion de la faune du gouvernement du Nunavut et l’industrie. Les entreprises appartenant à des Inuits dans la baie de Baffin ont seulement récemment commencé à traiter des inégalités dans les quotas pour accéder aux pêches au large de leurs rives. Une chose est claire : les quotas de flétan et de crevettes ont augmenté au cours de la dernière décennie jusqu’au point maximal de l’exploitation durable.

Une ressource à protéger

Océans Nord croit que les pêches dans la zone économique exclusive (ZEE) du Canada, les 370 km (200 miles nautiques) au large de la côte du pays, sont une ressource commune qui doit être gérée au bénéfice de tous les Canadiens, et particulièrement les Inuits qui dépendent de cette richesse naturelle.

Pour cette raison, Océans Nord adopte une approche de précaution à l’égard des décisions en matière de pêche. L’objectif devrait être d’avoir une exploitation durable qui assure le maintien de populations en santé pour les générations futures. Toutes les nouvelles pêches commerciales doivent créer des emplois et une infrastructure pour les Inuits et ne pas avoir de répercussion sur les populations d’espèces sauvages traditionnellement exploitées. Le processus de délivrance de licences et d’allocation donne à l’industrie des pêches accès à ces ressources. À son tour, l’industrie doit avant tout tenir compte de la conservation et de la conformité aux accords de revendications territoriales pertinents.

Pour protéger cette ressource précieuse et prévenir la surpêche, Océans Nord recommande les mesures suivantes :

  • promouvoir l’utilisation de l’équipement de pêche novateur qui protège les espèces en péril et qui ne perturbe pas les coraux d’eaux froides sensibles. Les palangres, par exemple, limitent la capture accessoire de requin du Groenland, de raie et de grenadier et sont moins susceptibles d’attraper des mammifères marins;
  • améliorer les connaissances scientifiques et utiliser des rapports exacts, des observateurs agréés, des appareils de localisation par satellite, la surveillance aérienne, l’écocertification et les connaissances écologiques traditionnelles inuites;
  • envisager les répercussions sur l’écosystème élargi au moment de cibler une espèce et ajuster les activités de pêche en conséquence;
  • donner un accès prioritaire à ceux qui vivent près de la ressource;
  • créer des aires marines protégées qui protègent les stocks de flétans du Groenland et de crevettes;
  • protéger les éponges et les coraux d’eaux froides anciens au moyen d’interdictions de chalutage de fond;
  • approcher la pêche exploratoire avec prudence en n’élargissant pas le territoire de pêche commerciale au-delà du 72e degré au nord dans la baie de Baffin.